ROTIFÈRES

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Malgré leur petite taille qui les a fait au début confondre avec les Infusoires et autres Protistes vivant dans les mêmes conditions, les Rotifères jouent un rôle important dans la nature, au moins dans les eaux douces auxquelles ils sont spécialement adaptés (ils sont beaucoup moins abondants en milieu marin). Ce rôle est évident dans le plancton lacustre, où ils prédominent souvent, servant d’intermédiaires entre les assimilateurs primaires, c’est-à-dire les Algues, surtout unicellulaires, qui construisent la matière organique, et les consommateurs de plus grande taille, Crustacés entre autres, et finalement Poissons. Dans le benthos, nageant, rampant ou fixés à la surface des pierres et des végétaux, dans l’épaisseur même des sédiments, ils jouent un rôle analogue. Parmi les groupes variés qu’on qualifie vaguement de Vers, ils constituent une classe bien individualisée qui n’entre ni dans les Annélides,malgré quelques similitudes de développement, ni dans les Némathelminthes et autres formes dépourvues comme eux de cavité cœlomique et de métamérie.

Considérons l’Hydatine (sous-classe des Monogonontes), aujourd’hui appelée Epiphanes senta , longue de 0,5 mm, dont les femelles parthénogénétiques sont épisodiquement abondantes dans les petites mares souillées riches en Flagellés verts. La cuticule souple ou lorica est sécrétée par un épiderme à cellules syncytiales qui borde directement la cavité du corps (blastocœle) parcourue par les muscles. À l’une des extrémités du corps se trouve l’appareil ciliaire ou rotateur, qui comprend, autour de la bouche, une ceinture de cils; certains, plus puissants, font saillie (pseudotroque) et précipitent dans la bouche les Flagellés dont l’Hydatine se nourrit.

Au-dessous de la bouche s’ouvre un gésier musculeux, le mastax , absolument caractéristique du groupe, garni de pièces dures dont la forme et le rôle varient remarquablement avec l’alimentation. Il s’agit ici d’un type moyen (malléé ) où les pièces peuvent à la fois se dresser pour saisir la proie, se rabattre pour l’écraser et la faire passer dans l’estomac précédé de deux petites glandes, lequel est à paroi épaisse et où se font la digestion et l’accumulation de réserves. Avec l’anus, qu’un court «pied» sépare des orteils, s’ouvre aussi une vessie contractile qu’alimentent deux méphridies à plusieurs ampoules vibratiles.

Le système nerveux ne comprend qu’un petit ganglion cérébral dorsal, quelques autres neurones épars et trois fossettes ciliées sensitives.

L’œuf se forme dans un petit ovaire ventral flanqué d’une masse à huit gros noyaux qui lui fournit son vitellus. Pondu, il donne naissance à un jeune animal qui se développe rapidement et commence bientôt à pondre à son tour. La segmentation s’écarte un peu du type dit spiral des Annélides et des Mollusques. Les premières divisions fournissent un stade 16, soit quatre quartettes de cellules. Dans le quartette inférieur, une cellule plus grosse (D du type général) constitue l’initiale génitale; en se divisant, elle fournit l’ovaire et le vitellogène, les trois autres donnant l’endoderme. Le tout est recouvert (gastrulation épibolique) par la prolifération des petites cellules des autres quartettes donnant l’ectoderme et le mésenchyme rudimentaire. Donc, il n’y a pas de trace d’initiales mésodermiques et de cœlome.

Puis se produit une invagination stomodéale pour le mastax. À la fin, le nombre et la position des noyaux sont fixes (un peu moins de 1 000 chez l’Hydatine) et ne varient plus chez l’adulte, mais les cellules ne sont, dans la plupart des organes, pas séparées les unes des autres par des cloisons.

On vient de décrire l’œuf immédiat qui engendre les femelles. De temps en temps, on voit des femelles non différentes pondre des œufs plus petits, qui fourniront des mâles moitié moins grands; ces derniers, qui sont dépourvus de tube digestif, ont un testicule bien développé. Ils fécondent, par injection hypodermique, exclusivement des femelles comme celle qui leur a donné naissance. En résulteront des œufs durables qui résistent éventuellement à la dessication et à la gelée et assurent la survivance de l’espèce dans les mares temporaires. Ils donnent exclusivement des femelles du premier type.

Tous les Monogonontes ont un cycle évolutif nettement lié aux conditions de vie dans les eaux douces, car il est similaire dans le groupe des Crustacés cladocères (de même écologie): femelle dite amictique qui pond des œufs immédiats parthénogénétiques donnant d’autres femelles. Parmi celles-ci existent des mictiques semblables dont les œufs sont ou non fécondés. S’ils ne le sont pas, ils donnent des mâles presque toujours de taille réduite et ne s’alimentant pas; s’ils le sont, ils grossissent, s’entourent d’une coque épaisse et caractéristique, et deviennent durables . Ils donnent, souvent après dessication, de nouvelles amictiques. Ce cycle très variable dans la nature pose la question du déterminisme de la production des mictiques; de nombreuses recherches ont expérimenté l’action de toutes sortes de facteurs en régime continu ou par variation brusque, sans résultats bien probants, exception faite par la variation de la durée d’éclairement.

Aux Epiphanes se rattache par divers intermédiaires le grand genre Brachionus , très commun dans tous les planctons, qui en diffère par une carapace épaissie, ou lorica , souvent ornée d’épines, où se rétractent la tête et le pied tubulaire. Ce pied inutile dans la vie pélagique manque dans les Keratella .

Le déterminisme qui régit la présence et la longueur des épines de la lorica (elles peuvent être dans l’année extrêmement variables chez certains Brachions) n’est poins élucidé, sauf que l’on a constaté l’action curieuse d’une substance émise par les Asplanchna prédatrices: elle fait apparaître ces épines chez les proies que chassent habituellement ces carnassiers.

Très différents à première vue, les Notommata et les Proales rampent sur leur plaque buccale de cils courts prolongée parfois en oreillettes qui permettent la nage. Le mastax prend le type suceur ou virgé , simplifié, mais permettant, grâce à un mouvement de piston, d’aspirer ou de vider une proie. Dans les Dicranophorus et les Encentrum , de même aspect (orteils parfois longs), le mastax est au contraire forcipé , en pince préhensile qui peut faire saillie.

Dans les genres pélagiques Synchaeta , Polyarthra , Trichocerca , de formes diverses, le mastax est virgé. Mais le type le plus aberrant, quoiqu’il existe des intermédiaires, de vie flottante et carnassière est offert par les Asplanchna , animaux grands, vésiculeux et transparents, vivipares, sans pied ni anus; leur mastax est dit incudé , mais, dans ce type de préhenseur, la pince peut se renverser hors de la bouche.

L’ordre des Gnésiotroques se caractérise par un type d’organe rotateur longtemps confondu avec le précédent, dans lequel la plaque buccale et la ceinture entourant l’espace apical spacieux sont bordées en haut par un cercle de cils forts (trochus vrai), en bas par des cils plus courts (cinjulum ) qui autorisent aussi la locomotion et l’adduction de nourriture. L’analogie est frappante avec la larve trochophore des Annélides et des Mollusques. Le plus souvent, le mastax ramé fonctionne non par préhension, mais par écrasement entre deux plaques de très petites particules ingérées.

Ces formes, qui n’ont pas d’orteils, comprennent d’abord des genres libres, autrefois réunis aux précédents: Testudinella qui a une lorica et un pied, Filinia qui possède trois longues soies saltatrices, Hesarthra qui en a de nombreuses groupées sur des expansions simulant des appendices de Crustacés. On y trouve ensuite des formes fixées, entourées d’une gaine gélatineuse ou cornée (Ptygura ), parfois recouverte de boulettes régulières (Melicerta à couronne quadrilobée). Le jeune nage ainsi que le mâle. Les adultes sont parfois groupés en colonies plus ou moins sphériques (Lacinularia ), et celles-ci, quelquefois, se détachent et nagent librement, ce qui est constant dans Conochilus .

On peut réunir tous les précédents types dans un sous-ordre des Monimotroques et en séparer, comme Paedotroques, d’autres formes fixées (Collotheca , Stephanoceros , Cupelopagis ) où le jeune a les mêmes caractères, mais où la couronne de l’adulte se transforme en une nasse, ciliée ou non, qui précipite de petites proies dans un jabot à mastax dilacérateur (unciné ).

Pour les profanes, les vrais Rotifères, célèbres par leur reviviscence et renfermant le genre pour qui le nom a été créé (on l’appelle aujourd’hui Rotaria ), sont formés par la sous-classe des Digonontes et par l’ordre unique des Bdelloïdes. Ils se déplacent comme les chenilles arpenteuses, étant formés de segments télescopables et terminés, d’une part, par une trompe apicale, de l’autre, par un pied à trois orteils (ou quatre, ou une ventouse) surmontés de deux ergots qui reçoivent aussi des glandes. Du vestibule buccal peut sortir un appareil rotateur, gnésiotroque (ainsi que le mastax ramé), mais partagé en deux disques qui donnent, par la différence de phases des cils du double trochus, l’illusion éponyme de deux roues tournantes. Ils sont souvent vivipares et exclusivement parthénogénétiques, car on constate l’absence totale de mâles.

Communs dans l’eau même souillée, les Bdelloïdes préfèrent pourtant les mousses, les lichens, les interstices du sol dont la dessication est fréquente, car ils l’endurent à l’état adulte après s’être rétractés. Comme les Tardigrades et divers Protistes, ils résistent en anhydrobiose à des températures supérieures à 100 0C ou voisines du zéro absolu.

rotifères [ rɔtifɛr ] n. m. pl.
• 1762; lat. sc. rotifer, de rota « roue »
Zool. Embranchement d'invertébrés aquatiques, microscopiques, dont le corps porte une couronne de cils autour de l'orifice buccal. Au sing. Un rotifère.

rotifères
n. m. pl. ZOOL Embranchement de métazoaires acoelomates microscopiques, en général d'eau douce, pourvus à leur extrémité antérieure d'un organe rotateur cilié.
Sing. Un rotifère.

⇒ROTIFÈRES, subst. masc. plur.
ZOOL. Classe de vers vivant pour la plupart dans les eaux douces, de très petite taille, caractérisés par la présence, autour de la bouche, d'une couronne ciliée ou appareil rotateur qui en battant, donne, pour certains, l'illusion d'une double roue tournante, et pourvus généralement d'un pied se terminant par un ou plusieurs prolongements mobiles et courts. Chez les rotifères, chez les pucerons, (...) les formes sexuées n'apparaissent qu'à une époque fixe, généralement à l'automne (CUÉNOT, J. ROSTAND, Introd. génét., 1936, p. 48). Au XVIIe siècle, les rotifères étaient confondus avec les protozoaires; Cuvier les place encore dans les infusoires (Hist. gén. sc., t. 3, vol. 1, 1961, p. 407).
Au sing. Animal appartenant à cette classe. Elle était (...) heureuse d'avoir vu, pour la première fois, des infusoires nouveaux, surtout le rotifère (MICHELET, Journal, 1858, p. 395).
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. dep. 1878. Étymol. et Hist. 1779 (BONNET, Œuvres d'hist. nat. et de philos., t. 6, Corps organisés, II, note 2, p. 225). Empr. au lat. sc. rotifer « id. » (1702, Leuwenhoeck ds NED); de roti- du lat. rota « roue » et -fer, fr. -fère.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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